Karine Roué est née en 1975, à Brest. A l’université, elle se nourrit des écrits de Marguerite Duras, des tragédies grecques, des mythes et de leurs réécritures contemporaines. Pendant cinq ans, elle suit des cours du soir en dessin, sculpture et peinture, aux Beaux-arts. A la même période, elle expérimente la langue dans le champ du théâtre. En parallèle, et pour financer ses études, elle est soignante dans une clinique psychiatrique.
Depuis plus de vingt ans, elle vit sur l’île de Ra’iātea. En 2010, elle se saisit d’un appareil photographique en autodidacte et commence une série de portraits intimistes. Elle se consacre désormais à la photographie et à l’écriture, une réflexion qui prend la forme d’une méditation sur l’Art, la temporalité́ et les lieux psychiques. Art y est premier dans sa question essentiellement ontologique, Femme y est présente à chaque seconde.
Karine Roué est une artiste sans concession, elle va le plus loin possible sur chaque trace suivie au flair et à la cohérence difficile, exigeante. Au cours de ce temps passé au sein du clan des combats de coqs ou auprès des personnes détenues en prison, elle n’a de cesse d’expérimenter les espaces des marges et la rencontre avec l’autre : « Les failles humaines ne sauraient cliver, séparer ou faire choir. Elles plongent en nous-mêmes. Elles nous obligent à tant qu’il nous faut leur donner forme et asile. L’Art est assez vaste pour contenir la monstruosité́ dont nous sommes tous la chose. »
Par son travail, elle renoue avec la part archaïque et l’indicible d’elle-même, une dimension qu’elle ne cesse de tenter d’actualiser dans le champ du contemporain. Ses influences photographiques vont de Diane Arbus, Sally Mann, Jane Evelyn Atwood, à Helmut Newton et Peter Lindbergh ; elle se nourrit aussi du travail plus radical de Peter Hujar, Ken Schles, Josef Koudelka, Jacob Aue Sobol, Anders Petersen & JH Engström. Au cinéma, elle est fascinée par la puissance visuelle d’Andreï Tarkovski, Wim Wenders, David Lynch et Pawel Pawlikowski.
Dans son univers chaque élément se façonne aux autres, donne un sens à l’ensemble en tissant une toile contenant le tout et la laissant toujours libre de ses discontinuités. Ce qui se joue à chaque image se rejoue dans l’ensemble et forme un chœur brillant, un ensemble polyphonique cohérent, une proto-écriture.